Voyager aux USA, c’est voir des églises à tous les coins de rues, avec une grande variété des sigles et appartenances. Le mariage auquel j’ai assisté était célébré dans la paroisse épiscopalienne de la mariée. L’église épiscopalienne est l’héritière de l’église anglicane, détachée de la suprématie anglaise à la suite de la guerre d’indépendance. D’après Wikipédia elle ne regroupe pas 1% de la population mais elle a donné le quart des présidents (Kennedy était le premier catholique et Bush est baptiste).
Les différences avec un mariage catholique, le plus fréquent en France, sont donc sans doute les même que celles qu’on pourrait observer dans un mariage anglican au Royaume Uni et le film « 4 mariages et un enterrement » en donne une bonne vision.
J’ai déjà signalé la présente de jeunes femmes comme servantes de messe. L’église épiscopalienne ordonne les femmes et le principal évêque, l’équivalent aux USA de l’archevêque de Canterbury est actuellement une femme. Autre différence, l’autel est au bout de l’église, comme dans les églises catholiques avant Vatican 2 (mais dans l’église St Paul, à coté du Trade Center à New York, apparemment épiscopalienne, l’autel est au milieu de l’assemblée).
J’ai surtout noté deux différences de détail dans les rites, différences globalement conformes au « Book of Common Prayer » et je reviendrais sur le contenu de l’homélie (du moins ce que j’en ai compris).
Au début de la cérémonie, le célébrant interroge chacun des mariés sur sa volonté d’épouser l’autre : c’est l’échange des consentements. Il s’adresse ensuite à l’assemblée pour leur demander leur soutien puis aux parents (présents à coté des mariés à ce moment là) pour demander s’ils accordent leur bénédiction au mariage. Puis il prononce la fameuse formule entendue dans tant de films, demandant, si quelqu’un a quelque chose à dire, « de le faire de suite ou de se taire à jamais ». Rien de tout cela dans un mariage catholique en France (pour le dernier point, on rappellera que le mariage religieux ne peut se faire qu’après le mariage civil et que dans les deux cas il y a un délai de publication des bans permettant de vérifier qu’un des fiancés n’est pas déjà marié par exemple).
Deuxième différence que Rowan Atkinson a si brillamment illustrée dans le film cité plus haut, la formule par laquelle les mariés se prennent mutuellement pour époux est dite par le célébrant, morceau par morceau, puis répétée par chacun des mariés à, son tour. Cela n’existe pas non plus dans le rite catholique, le célébrant se contentant d’écouter les mariés.
Ces deux différences me donnent l’occasion de parler de deux caractéristiques du mariage chrétien et en particulier catholique
Le mariage chrétien est un mariage par consentement mutuel de la part des époux, c'est-à-dire qu’il est un choix libre fait par les intéressés eux même et non par d’autres, les parents ou le clan par exemple. C’est un héritage du droit romain qui probablement n’allait pas à l’encontre des principes du judaïsme mais qu’on ne trouvait pas chez les grecs ou dans le droit germain (celui-ci donne au père le choix de marier sa fille comme il l’entend). C’est aussi un droit qui met l’homme et la femme à égalité dans cette décision. Bien évidemment, il y a eu des tendances continues pour lutter contre cette pratique défendue par l’Eglise. J’avais lu quelque part que Henri II de France avait voulu développer le droit germain mais recula devant une menace d’excommunication mais je n’ai pas retrouvé l’information. Toujours est il que le principe du consentement mutuel a été clairement affirmé lors du concile de Trente (1545 1563)
En demandant aux parents des mariés leur bénédiction, le célébrant épiscopalien reste bien entendu dans le mariage par consentement mutuel mais redonne un rôle aux parents. Ceci dit, je ne sais pas ce qui se passerait si les parents refusaient. On peut aussi trouver dans le fait que les futurs époux rentrent dans l’église au bras de l’un de leur parent symbolise le fait que ce soit eux qui marient leurs enfants selon l’expression habituelle. Après Vatican 2, on a vu de futurs époux entrer dans l’église ensemble et non au bras de leur parent mais je ne sais pas si ce point est rituel et dans ce cas s’il est officiellement admis. En tous les cas, il serait conforme à l’idée de consentement mutuel
Deuxième caractéristique, la place du clergé dans la célébration. Pour les catholiques (mais par pour Luther, ce qui explique que le concile de Trente soit revenu sur la question), le mariage est l’un des 7 sacrements. Mais contrairement aux autres qui ne sont normalement pas administrés par des laïcs, ce sont les époux qui se donnent mutuellement le sacrement de mariage, le prêtre n’étant qu’un simple témoin. Je n’ai évidemment pas de compétences théologiques pour l’affirmer mais je trouve que le fait que le prêtre fasse répéter ses propres paroles par les époux est un moyen pour le clergé de sortir de son rôle de témoin pour prendre une espèce de leadership dans ce sacrement. Dans le rituel prévalant dans l’église catholique avant le concile Vatican II, le mariage se faisait par réponse des mariés aux questions posées par le prêtre se dernier récitant ensuite une formule en latin qui pouvait faire croire que c’était lui qui administrait le sacrement. La réforme de 1969 qui fait que les époux s’interrogent mutuellement est donc plus conforme à l’idée de sacrement administré par eux même. Un nouveau rituel défini par Jean Paul II en 1990 revalorise la bénédiction nuptiale et le rôle du prêtre ou du diacre. Celui ci en prononçant la bénédiction nuptiale tient désormais les mains étendues au-dessus des nouveaux époux. Pendant l'échange des consentements, le prêtre ou le diacre est invité à étendre la main en direction des époux ou à la poser sur leurs mains jointes. Ces modifications sont symboliques d’un pape assez clérical (comme l’était Lustiger) quand Vatican II redonnait de l’importance aux laïcs
Quelques mots sur l’homélie. Celle-ci portait sur le texte d’évangile choisi (par les époux ?, celui du début du Sermon sur la montagne plus connu comme étant celui des Béatitudes (Matthieu, 5, 1-10). Le célébrant a essentiellement commenté la première des béatitudes : « heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux leur appartient ». Et il l’a lu comme disant que les humains, quelque soit leur capacité intellectuelle et leurs études, étaient pauvre en esprit et devaient s’en remettre à Dieu. Cette lecture, conforme par ailleurs aux dogmes chrétiens ou à l’histoire d’Adam et Eve voulant décider du bien et du mal, est pour moi surprenante. En effet, il me semble qu’il ne s’agit pas là de capacité intellectuelle mais de richesses matérielles. Luc qui présente la moitié des béatitudes sous forme de malédictions, dit d’ailleurs (Luc 6, 24) « malheur à vous riches, parce que vous tenez votre consolation ». L’idée est bien que si on consacre son esprit, son temps, ses priorités, ses choix, aux richesses matérielles, on ne peut se préparer au Royaume des Dieux (on ne peut non plus être attentifs aux autres).
Pourquoi cette autre lecture ? Est elle due au rite anglican ou plus simplement à ce que le célébrant avait envie de dire ce jour là, aux jeunes mariés ? Je ne sais pas. Je m’interroge sur la relation à l’argent d’une église liée à la haute société dans un pays où le dollar est roi et les églises riches mais je peux me tromper complètement !
Merci à ceux qui ont eu le courage de me lire jusqu’au bout !
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