Concilier flexibilité pour les entreprises et sécurité pour les salariés, tel est l’un des thèmes principaux de la réflexion de ceux qui se préoccupent des questions d’emploi. La France arrive à ne répondre aux besoins ni des uns ni des autres et s’interroge sur l’opportunité de s’inspirer des solutions anglo saxonnes ou scandinaves, fort différentes, mais qui semblent plus pertinentes que celles adoptées chez nous
La France se caractérise par une instabilité forte de l’emploi : d’après une étude du CERC, environ 37% des personnes qui étaient au premier janvier dans une entreprise n’y sont plus un an après. Cette instabilité a augmenté progressivement depuis 30 ans. Elle correspond, du moins en partie, à l’évolution du contexte économique dans lequel navigue les entreprises, contraintes de s’adapter en permanence.
La France souffre aussi d’une forte insécurité de l’emploi dans la mesure où ceux qui sont au chômage y restent en moyenne longtemps, plus longtemps que chez beaucoup de nos voisins.
Si l’on examine les entrées à l’ANPE (qui ne comptabilise donc pas le cas des personnes qui changent d’entreprise sana passer par la case chômage), on compte environ 300 000 sorties par mois ce qui correspondrait à un turn-over de moins de 20% sur l’année (il y a donc un nombre important de personnes qui ne passent pas par la case chômage mais passent d’un CDD à un autre par exemple). Sur ces 300 000, on compte environ 12 000 licenciements économiques, soit environ 4% du total. Ce sont ces 4% qui concentrent l’actualité, les dispositions du code du travail, les discussions des partenaires sociaux. On en arrive à voir des syndicalistes demander que l’entreprise fasse sortir les travailleurs précaires pour éviter de toucher aux salariés en CDI.
Les dirigeants d’entreprise sont donc demandeurs de plus de flexibilité, de pouvoir licencier plus facilement. En même temps, ils sont très exigeants sur le recrutement, attendant des salariés immédiatement opérationnels. La pratique des chasseurs de tête montre que dans ce domaine la prise de risque est réduite au minimum. Il est possible que cela soit une des explications des pratiques discriminantes, bien plus que le racisme anti- maghrébins, anti-vieux ou anti ce qu’on veut.
Il y a aussi une demande des représentants des salariés de sécuriser les parcours professionnels et de diminuer la précarité.
Aujourd’hui on observe un marché du travail à plusieurs vitesses, avec des niveaux de sécurité qui baissent quand on part des fonctionnaires, qu’on passe aux salariés en CDI dans les grandes entreprises puis aux petites, en finissant par les intérimaires puis par tous ceux qui sont d’une manière ou d’une autre à leur propre compte.
Certains voudraient que tous puissent bénéficier de la sécurité réservée à quelques uns. La prise de conscience qu’il n’est pas possible de sécuriser les emplois à conduit à l’idée de sécuriser les personnes, ce qui correspond au modèle scandinave, avec de la formation et un accompagnement solide pour les chercheurs d’emploi.
Mais que peut on mettre derrière l’idée de sécuriser les personnes ?
Certains imaginent de la sécurité juridique et financière : celui qui passe d’un emploi à un autre à une garantie de statut (comment faire ?) ou de rémunération (pendant la période intermédiaire).
Les même ou d’autres imaginent de la sécurité par l’adaptation au marché du travail : c’est parce que j’ai une bonne employabilité que je retrouve facilement mon poste.
Le modèle scandinave est un mixte des deux : il insiste beaucoup sur l’employabilité mais il garantit la rémunération pendant la transition.
On observera que certains de ceux qui ont le moins de garanties formelles d’emploi s’en sortent très bien grâce à leur adaptation au marché : c’est le cas de beaucoup de professions libérales (pensons au médecins par exemple). Mais on voit aujourd’hui fréquemment des intérimaires dans les métiers du bâtiment refuser les offres de CDI qui leur sont faites parce qu’ils savent pouvoir trouver du travail facilement.
On notera aussi que jusque vers 1973, il y avait très peu de sécurité juridique : on retrouvait du travail rapidement. L’instabilité de l’emploi n’était guère un problème, il y avait peu d’insécurité, c'est-à-dire de longues périodes de chômage.
En réalité, la recherche d’une garantie juridique de la sécurité de l’emploi est un leurre. On sait par exemple que l’autorisation administrative de licenciement n’empêche pas ceux-ci, bien qu’elles les complique.
Il est beaucoup plus pertinent de sécuriser les personnes en les aidant à être adaptées au marché du travail, par la formation et l’accompagnement notamment. Cela n’interdit pas certaines mesures de protection, à condition qu’elles incitent à la transition plutôt qu’elles ne cherchent à l’éviter. Par exemple, dans les opérations lourdes de mobilité interne, garantir la possibilité de revenir au poste de départ (ou dans le dispositif si ce poste n’existe plus) est une mesure qui rassure les personnes donc qui favorise la mobilité alors qu’en pratique il n’y a pas un pour cent des personnes qui reviennent en arrière.
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