Michel Rocard a affirmé que la social démocratie, c’est Ford, Keynes et Beveridge . Si l’utilisation du présent dans cette définition est à discuter (on s’y emploiera!), le choix des personnes, pour ce qu’ils représentent, est assez représentatif des évolutions économiques et sociales du 20ème siècle.
En doublant les salaires pour fidéliser ses salariés, Henri Ford souvrait la porte à un système où les formidables progrès de productivité permis par le taylorisme et la production de masse sont partagés entre le capital et le travail. Ce dernier bénéficie de salaires élevés (du moins par rapport à la période précédente) et d’avantages sociaux en tous genres, en échange de la liberté de l’entrepreneur sur l’organisation du travail et surtout de la fidélité du salarié. Alors que le marxisme prévoyait la baisse tendancielle du taux de profit et la paupérisation absolue de la classe ouvrière, le progrès foudroyant de la productivité permet une élévation continue du niveau de vie qui profite d’autant plus à tous que l’après seconde guerre mondiale voit la généralisation (provisoire!) du plein emploi aux pays capitalistes développés.
Si Beveridge a théorisé les prestations sociales qui nous paraissent aujourd’hui une évidence (retraite, santé, chômage etc.), c’est l’Allemagne de Bismarck qui les invente la première, suivie par certaines entreprises ou en France une partie du patronat chrétien du Nord. La Libération voit la mise en place généralisée du système, même s’il se fait de manière corporatiste, contrairement à d’autres pays où il est immédiatement universel. Dans une France où l’espérance de vie augmente de 3 mois par an (soit 2.5 ans par décennie) depuis 1919, la sécurité sociale pour tous, ce n’est pas rien. La généralisation du système de retraites fait qu' il n’y a pratiquement plus de pauvres parmi les retraités, quelques décennies après que Pierre Perret ait comparé en 1968 la taille de sa cuisse de mouche à celle de la retraite des vieux!
Avec Keynes ont disparues les crises de surproduction qui venaient régulièrement mettre en faillite des milliers d’entreprises et précipiter dans le chômage trop de salariés. Il suffit que l’État dépense plus pour soutenir la demande et la machine repart. Bienheureux Keynes qui donne raison à ceux qui veulent augmenter les prestations au bénéfice de tous, et tort aux affreux conservateurs qui veulent garder la valeur de la monnaie!
Derrière Ford, Keynes et Beveridge la prospérité des pays d’Europe de l’Ouest donne raison à la gauche réformiste contre les révolutionnaires. On pourra le constater à la chute du Mur, le niveau de vie est bien plus élevé à l’Ouest qu’à l’Est, l’espérance de vie ne cesse d’augmenter à l’Ouest quand elle stagne à l’Est et les pays capitalistes ont commencé à affronter vigoureusement les questions écologistes quand de l’autre coté on a continué à polluer sans limite!
Malheureusement pour la gauche, ce modèle qui a permis de répondre aux rêves les plus fous que ses représentants auraient pu faire vers 1900, commence à être remis en cause vers le milieu des années 70, dans ses trois composantes.
Mes réponses à Michel Rocard sur Ford, Keynes et Beveridge
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