L’ancien inspecteur général qu’est le nouveau ministre de l’Éducation National a à traiter ce qui est à mes yeux un des trois ou quatre principaux problèmes de notre pays, celui du nombre trop élevé de jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire.
Je
m’appuierais dans ce qui va suivre sur un livre que j’ai découvert par hasard
il y a quelques jours et que j’ai lu avec beaucoup d’attention pendant le
week-end de l’Ascension: Que vaut l’enseignement en France ? Ce livre
restitue le travail réalisé entre 2000 et 2005 par le Haut Conseil de
l’évaluation de l’école. Pour chaque sujet, une étude a été réalisée par un ou
plusieurs experts, le conseil s’appuyant sur cette étude pour définir son avis.
Celui-ci était adopté à l’unanimité des participants, représentants les
différents acteurs concernés et comprenant quelques experts étrangers de
l’évaluation. Si un certains nombre d’avis portent sur le système d’évaluation
(en gros à améliorer et à mieux utiliser pour progresser), d’autres portent sur
certains sujets essentiels pour notre pays et en particulier sur celui que
j’évoque en introduction.
Le système scolaire français sort chaque année 5 « paquets d’environ 150 000 jeunes chacun :
Les non qualifiés, qui ont au mieux le BEPC et dont l’avenir est très préoccupant comme le montre les études du CEREQ : au bout de 3 ans, 40% d’entre eux sont au chômage. C’est ce « paquet » qui m’intéresse.
Les quatre autres paquets sont ont un CAP ou un BEP(1), un bac(2) (essentiellement technologique ou professionnel), un bac plus deux(3) ou au moins la licence(4). Le groupe 3 a la meilleure insertion professionnelle. Le groupe 4 souffre d’une mauvaise répartition selon les spécialités mais est globalement insuffisant pour les besoins de notre économie.
Le conseil note que la part de non qualifiés (différente selon les indicateurs utilisés) est selon les critères internationaux de 15% soit égal à la moyenne de l’OCDE, qui varie de 7% (le Japon) à 28% (les USA). Les pays scandinaves sont dans les mieux classés.
La première étude a porté sur l’impact de la réduction des effectifs par classe sur les résultats. Question primordiale car cette solution est souvent mise en avant et que des efforts sans précédents ont déjà été faits. De 1966 à 1999, le nombre d’élèves par classe est passé de 43.7 à 25.5 en maternelle, de 28 à 22.3 en élémentaire, de 27.5 à 24.2 dans le premier cycle du second degré, de 30.8 à 28.8 dans le second degré général et technologique (dans ce dernier cas, il y a eu en plus augmentation des travaux en sous groupes, faisant passer le nombre d’élèves par enseignant de 13.8 en 1990 à 11.8 en 1995). Un calcul simplifié montre que ces différentes mesures ont nécessité environ 90 000 classes supplémentaires et tous les moyens humais et matériels qui vont avec.
Les études montrent que la taille des classes n’a pas d’impact sur les résultats, sauf dans un cas : le tout premier cycle du primaire (CP/ CE1) dans les milieux les plus défavorisées. Il faut y aller franchement (diviser par deux) et les gains sont limités.
A la suite de cet avis, Luc Ferry a fait expérimenter la solution qui a donné des résultats, faibles mais surtout non durables.
Un mot pour dire que les non qualifiés sont issu dans leur immense majorité des classes les moins favorisés. Et qu’ils coûtent ensuite très cher à la société en indemnité chômage, en RMI, en violences, en prison ou en services sociaux. Diminuer le nombre de non qualifiés est certes un devoir moral mais c’est aussi un très bon investissement.
Un autre avis a porté sur le redoublement, globalement une mauvaise solution. La preuve : les pays qui ont les meilleurs résultats ne le pratiquent plus.
Je note ici qu’il faut bien lire la phrase : il n’est pas écrit que ceux qui ne le pratiquent pas ont les meilleurs résultats. Effectivement, ceux qui ont les bons résultats ont pratiqué d’autres solutions. Essentiellement un soutien fort aux élèves en difficulté. Et on sait que l’essentiel des difficultés se créent tout au début, lors de l’apprentissage de la lecture. D’où l’importance de l’expérimentation citée plus haut.
Au-delà des études de ce haut conseil, je vais exposer quelques convictions personnelles.
D’abord, comme je l’ai dit plus haut, lutter contre ce pourcentage trop élevé de non qualifié devrait être une priorité nationale.
Ensuite, il faut évidemment ne pas hésiter à se lancer dans des expériences, à condition bien sûr de les évaluer.
Mais il faut bien identifier les conditions de la réussite. Et à ce propos, je voudrais citer une anecdote. J’ai eu à analyser un processus de reconversion dans une grande entreprise qui avait eu un taux de succès étonnant : 97% de réussite. Bien sûr, les moyens techniques avaient été réunis : orientation, formation en alternance, tutorat, etc. Mais on sait que cela ne suffit pas. J’ai donc demandé aux deux orienteuses formatrices quelle était la condition de réussite. Et elles m’ont dit : aimer les gens. Je suis persuadé que c’est profondément juste. Dans le métier de l’accompagnement des chômeurs, c’est un peu la même chose. Pour réussir, il faut la conviction que le chercheur d’emploi peut y arriver. Ce que j’appelle avoir confiance pour deux.
Un système basé sur le redoublement est en réalité un système qui ne croit pas à la capacité de l’élève à réussir, ce que celui-ci comprend très bien.
Pour diminuer les échecs scolaires, il faut mettre les moyens dès le début et aider ceux qui sont en difficulté. Avec une condition indispensable : que ceux qui feront cela aiment les jeunes, qu’ils soient intimement persuadé que ceux-ci peuvent réussir.
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