Le Royaume Uni affiche un taux de chômage parmi les plus bas d’Europe (4.6% en 2005), qui conduit certains à vouloir en faire un modèle quand d’autres en font un repoussoir (voir article précédent). Ces derniers font notamment valoir depuis quelques temps que le grand nombre de travailleurs handicapés est un moyen de cacher le chômage réel.
En, réalité, que peut on affirmer ?
1) En 84/85, le Royaume Uni a connu près de 3 millions de bénéficiaires des allocations chômage. Ce chiffre a baissé à la fin des années 80 pour remonter à près de 3 millions en 1992. Depuis, ce nombre a baissé en dessous d’un million.
2) Dans le même temps, le nombre de bénéficiaires d'allocations handicapés, à peine supérieur à 500 000 au début des années 80, dépasse les 2.5 millions à ce jour, au point que le troisième gouvernement de Tony Blair a lancé une action pour réduire ce nombre.
3) La déclaration de handicap a donc été un moyen d’éviter de gonfler les chiffres du chômage. Mais cette pratique n’est pas spécifique au Royaume Uni : simplement les moyens utilisés varient d’un pays à l’autre. C’est ainsi qu’en France, les plus de 57 ans sans travail sont dispensés de recherche d’emploi, ce qui permet de les exclure des statistiques : cela concerne 400 000 personnes actuellement.
4) Pour ne pas se laisser abuser par ce type de mesures, la meilleure solution consiste à examiner le taux d’activité de la population en âge de travailler, c'est-à-dire les 15/64 ans.
5) Sur ce critère, les pays les plus actifs sont le Danemark et la Norvège, avec plus de 75% de taux d’activité.
6) Le Royaume Uni est 5ème en Europe, avec un taux d’activité de 71,6%, derrière les Pays Bas et la Suède
7) La France est assez loin derrière, à la dixième place sur 15, avec un taux de 63.1% .
8) On peut cependant encore contester ce constat en faisant remarquer que le Royaume Uni compte un nombre important de travailleurs à temps partiel. 25.7% de ceux qui travaillent au Royaume Uni le font à temps partiel contre 17.4% en France. Si on ne regarde que ceux qui travaillent à temps plein, ils sont 52.1% de la population en âge de travailler en France contre 53.2% au Royaume Uni .Une grande partie du surcroît de travailleurs du Royaume Uni est donc à temps partiel, mais l’avantage reste au Royaume Uni
9) Cette faiblesse du travail à temps partiel a poussé les gouvernements français de droite ou de gauche à essayer de favoriser celui-ci, à coup de diminutions des charges sociales. Mais des mauvaises langues anglaises n’hésiteraient pas à affirmer que depuis les 35 heures, tous les Français sont à temps partiel ! En réalité, la véritable question est de savoir si ces travailleurs à temps partiel l’ont choisi ou non. On sait qu’en France 60% des salariés à temps partiel l’ont choisi et 40% environ le subissent.On notera aussi que la durée moyenne de temps de travail à temps partiel est plus faible au Royaume Uni (18.7 heures par semaine) qu'en france (23.1)
10) Le taux d’activité peut aussi être la conséquence d’habitudes culturelles, comme par exemple un travail féminin peu favorisé. Si on ne raisonne que sur la population masculine, le Royaume Uni avec un taux d’emploi des 15/64 ans de 77.8% dépasse l’Espagne (73.8%) et la France (69%), alors que le classement est différent pour la population féminine avec le Royaume Uni (65.6%) devant la France (57.4%) et l’Espagne (48.3%).
11) Une approche complémentaire consiste donc à regarder la dynamique d’évolution dans le temps. Ce critère montre les grands progrès de l’Espagne: le taux d’emploi total y est passé de 46.6% en 1993 à 61.1% soit un gain remarquable de 14.5% !
12) Dans le même temps, la France a gagné 3.8% et le Royaume Uni 4.2%
13) Les populations de la France et du Royaume Uni sont extrêmement proches : en 2004, 60.56 millions d'habitants en France et 60.03 millions au Royaume Uni. Les populations des 15/64 ans, ce qu’on appelle la population en âge de travailler, sont quasiment identiques, en 1993 comme en 2004 : en milliers de personnes, on est à 37 705 en 1993 et 39 425 en 2004 pour la France, à 37 773 en 1993 et à 39 502 en 2004 pour le Royaume. L’évolution démographique est donc quasiment identique entre les deux pays. Et la dynamique joue légèrement en défaveur de notre pays. Avec ces populmations extrémement proches, le Royaume Uni compte 3,3 millions d'emploi de plus que la France en 2004: 28,283 contre 24,8777
Pour
conclure : le Royaume Uni n’est sans doute pas l’eldorado que certains
voudraient présenter. Le nombre d’handicapés recouvre des réalités fort
diverses, auxquelles Tony Blair a décidé de s’attaquer à l’occasion de
son troisième mandat. Le taux d'activité doit être tempéré par le grand
nombre de temps partiel.Mais ce ne sont pas les manipulations
statistiques qui expliquent que le Royaume Uni a moins de chômeurs que
la France : ce sont simplement les mauvais résultats de notre pays !l
Publié le 9 février 2006 sur mon ancien blog
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