Le gouvernement est intervenu rapidement pour sauver Dexia avec nos amis du Nord, mais par ailleurs il donne surtout l’impression de gesticuler pour essayer de rassurer les citoyens et les caresser dans le sens du poil. Le bon peuple ne comprend sans doute pas ce qui se passe, à part que c’est grave, dangereux et qu’on compte en milliards. Du coup certains aimeraient bien trouver des coupables à la crise, et les voir punis.
Après tout, il y a du bon sens à penser que si une entreprise fait faillite, il est probable que ses dirigeants aient fait quelques erreurs. Qu’un patron de Dexia puisse prétendre être blanc comme neige, que les dirigeants de la Société Générale puissent s’exonérer d’avoir laissé un trader faire perdre 5 milliards à la banque, ne peut satisfaire les français, surtout s’ils ont du mal à boucler les fins de mois
Mais si le bon sens ne se trompe pas en posant ici des questions, il est beaucoup moins sûr que ses réponses spontanées soient les bonnes.
L’entretien avec Henri de Castries publié ce soir par Le Monde me parait donner des réponses très éclairantes aux questions que je voulais aborder en commençant cet article.
Commençons par le paragraphe suivant :
Les inquiétudes qui existaient sur le secteur financier depuis plus d'un an ont été fortement accrues par le dépôt de bilan de Lehman Brothers. Pour la première fois, les créanciers et pas seulement les actionnaires d'une institution bancaire étaient piégés et perdaient de l'argent.
En achetant des actions, on peut espérer recevoir régulièrement des dividendes et pouvoir revendre les actions à un cours plus élevé que celui auquel on a acheté. Mais on prend aussi le risque de revendre à perte, voire en cas de faillite, de perdre toutes les sommes ainsi placées. La règle du jeu est connue.
Ceux qui achètent des obligations sont dans un cas différents. Pour l’essentiel ils attendent le versement régulier d’un intérêt, dont la valeur est fixée à l’avance. Normalement il y a peu de risque sur le capital, le taux d’intérêt étant d’autant plus bas que le risque est faible (normalement quasi nul pour un état souverain comme la France). On peut dire la même chose des prêts à court terme
Enfin ceux qui ont de l’argent en dépôt dans une banque (c'est-à-dire le citoyen lambda) n’imagine pas que sa banque puisse ne pas lui rendre !
D’où l’importance de la suite du commentaire de Henri de Castries :
La confiance des déposants et des créanciers s'est donc trouvée ébranlée. Le financement des banques s'en trouve affecté, cela fait peser des risques sur le crédit, et donc sur l'économie réelle.
La faillite de
Lehman Brothers annonce que les règles du jeu peuvent ne plus être respectées.
La confiance perdue risque de bloquer les mécanismes financiers de base, ceux
qui permettent aux ménages et aux entreprises d’échanger et de faire varier
leurs crédits.
En conséquence les gouvernements et les banques centrales doivent intervenir.
Continuons l’explication :
La priorité est d'assurer la stabilité du système financier. Quand un établissement financier est en difficulté, il est normal dans une économie de marché que ses actionnaires perdent leur mise et que les dirigeants soient limogés. En revanche, il est indispensable que ceux qui ont déposé leurs fonds, particuliers ou entreprises, , ne subissent aucun préjudice. Ils ne sont en rien responsables de la situation. A chaque fois que cette règle a été respectée, cela s'est bien passé. Ce fut le cas pour Fannie Mae et Freddie Mac, AIG, Wachovia. La ligne rouge a été franchie pour Lehman Brothers, mis en liquidation, créant une grande défiance.
Comme les Etats l'avaient fait après le 11-Septembre dans l'assurance, il est, dans des circonstances extrêmes, nécessaire qu'ils s'affirment comme les garants de la stabilité du système dans son ensemble. Cette initiative est indispensable pour rappeler que les déposants ne sont pas menacés.
Mais il faut que les interventions dans un établissement soient limitées dans la durée. Le bon exemple est le sauvetage d'AIG. L'Etat a accordé un prêt de 85 milliards de dollars à un taux élevé. Il garantit les clients mais force l'entreprise à se restructurer. Autre cas, la cession de Fortis à la BNP. En revanche, il faut se garder de créer des distorsions de concurrence durables en soutenant sans restructurer.
On comprend bien à cette lecture pourquoi les différenst gouvernements européens se sont mis à promettre aux citoyens que les dépots sont garantis
On voit aussi ici que la morale peut être conjuguée à l’efficacité : ceux qui ont fait les mauvais choix (actionnaires et dirigeants) sont sanctionnés. Et les solutions trouvés doivent obliger à changer les comportements qui ont provoqués la crise, les comportements inefficaces Par contre, le système ne doit pas sanctionner ceux qui n’ont pas de responsabilité dans ces erreurs.
Les commentaires récents