Valeurs traditionnelles

Un sondage publié par le Monde le 17 février dernier, et sensé illustrer la montée des idées du FN, montrait que 73% des sondés estimaient « qu’on ne défend pas assez les valeurs traditionnelles en France », l’expression étant suffisamment floue pour que chacun y mettes ce qu’il veut, la question de l’autorité étant d’après le journal « au cœur des préoccupations »

 

Quand j’étais un gamin, on m’avait appris la chanson suivante, en latin (de cuisine ?) :

Ego sum pauper

Nihil Habéo

Et nihil dabo

Ce qu’on peut traduire par : je suis pauvre, je n’ai rien, mais je ne dois rien non plus

 

Plus tard, déjà arrivé à l’âge adulte, on m’avait appris la variante suivante, pouvant se chanter en canon sur le même air :

Et moi j’suis pépère

J’ramasses les mégots

Sur l’quai du métro

 

On ne pratique plus guère le latin, et le me demandes ce que mes petits-enfants comprendront des citations latines, si jamais ils lisent un jour Astérix. Mais on ne fume plus non plus dans l’enceinte du métro, c’est interdit.

 

Est-ce que défendre les valeurs traditionnelles, c’est vouloir revenir au latin et à l’autorisation de fumer dans les lieux publics fermés ? Peut-être pour quelques pour cent des sondés. Très probablement pas pour la majorité.

 

Le parti Chasse pêche et tradition avait l’avantage de mettre deux mots avant celui de tradition, ce qui pouvait déjà orienter sur ce que l’on voulait défendre. Aujourd’hui, il me semble que la réponse au sondage du Monde (mais aussi la manière dont la question est posée) suggère deux choses :

 

D’abord une peur de l’avenir, probablement couplée à une grande insatisfaction du présent, qui conduit à sur valoriser un passé mythique, d’autant plus qu’on ne le définit pas

 

Ensuite l’impression que l’Etat ne joue plus son rôle. Parce qu’après tout, qui est ce « on » à qui on reproche de ne pas défendre les valeurs traditionnelles ? L’Etat, les institutions, les corps intermédiaires, les voisins, les parents ? Après tout, si je suis attaché à certaines valeurs, rien ne m’empêche de les défendre, et si 73% des français étaient attachés à telle valeur précise, on ne voit pas bien comment elle ne pourrait pas s’imposer de par sa large majorité !