Dans ce monde où la corruption des valeurs morales étend chaque jour davantage son empire, un petit incident sans importance peut mériter une analyse . C’est ce que j’ai fait suite à mon passage à la bibliothèque municipale de mon quartier hier matin.
Je vais assez régulièrement emprunter des ouvrages à la bibliothèque, et plus particulièrement pendant les périodes de vacances. Cela me permet d’essayer gratuitement certains auteurs que je ne connais pas et le cas échéant d’abandonner la lecture au bout de quelques pages ou chapitres, sans avoir à regretter un investissement inexistant. Cela ne m’empêche pas de fréquenter également assidûment les librairies et d’y faire des achats.
Paris à l’avantage que les bibliothèques y sont nombreuses. J’en fréquente ainsi deux, situées à moins de dix minutes de chez moi, ce qui me permet de trouver dans l’une ce que je ne trouve pas dans l’autre. Cet été, ayant trouvé porte close à celle où je suis inscrit au moment d’un bref passage à Paris, j’y ais laissé les livres que j’avais à rendre et je suis allé m’approvisionner à l’autre. La logique des retours et emprunts a fait que depuis je suis passé régulièrement à la seconde.
Début septembre, le bibliothécaire m’a signalé que je n’avais pas rendu deux ouvrages à l’autre établissement, ce que j’ai considéré comme une erreur de leur part.
La semaine suivante, j’ai appris qu’il n’y avait plus qu’un ouvrage signalé manquant, mais aussi quatre nouveaux que je pensais avoir rendu la semaine précédente. Il m’a invité alors à voir avec le responsable de la salle concernée, lequel m’a demandé de vérifier dans les rayons, où j’ai retrouvé les quatre ouvrages.
En repartant, j’ai demandé au premier bibliothécaire s’ils avaient un problème informatique. Il m’a répondu qu’il n’en était rien, mais que parfois, il y avait erreur à l’enregistrement. Il faut expliquer ici que celui-ci fonctionne avec un système de codes barres sur ma carte et sur les livres. Le préposé manie le même type d’outil que les caissières de supermarché et doit vérifier que l’appareil a bien enregistré : c’est manifestement cette opération qui a pu être mal faite.
En début de semaine, j’ai reçu une lettre de la mairie de Paris, me signalant que je devais un livre, et que je ne pourrais pas emprunté sans avoir réglé le problème, le texte laissant entendre que cela pouvait aussi être une erreur.
Donc hier matin, profitant de ma matinée libre, je passe à la bibliothèque où je suis inscrit (et d’où provenait le livre en litige, pour ceux qui ont suivi !). Je déclare donc au bibliothécaire qui m’accueille « vous m’avez envoyé un avis »,. Avant même d’avoir pu présenter mon document, je m’entends préciser que c’est l’ordinateur qui a envoyé l‘avis.
Après vérification, le fonctionnaire m’invite à aller voir dans les rayons, ce que je fais pour trouver immédiatement le livre litigieux, que je ramène comme preuve de ma bonne foi.
En rentrant chez moi, je me suis fait la réflexion que le bibliothécaire n’avait pas daigné se déranger, me laissant me débrouiller alors qu’au final, l’erreur venait de lui ou d’un de ses collègues.
Il y a bien sûr des raisons à l’attitude des bibliothécaires (car après tout, celui de l’autre bibliothèque avait agi de la même manière). Une première est qu’ils ne voulaient pas abandonner leur poste. Elle n’est pas très convaincante, car en l’occurrence ils étaient deux présents à ce moment là. La seconde est que s’il avait fait la recherche et n’avait pas abouti, il lui aurait fallu me faire venir sur les lieux pour me convaincre de l’absence du livre que je prétendais avoir rendu. Mais, à vrai dire, ces raisons ne me convainquent qu’à moitié.
Concluant d’abord à une curieuse conception du service, je me suis fait ensuite la remarque qu’au fond, il s’agissait d’un service gratuit (du moins directement, car ce sont bien sûr les impôts qui le payent) et que je ne devais pas être aussi exigeant que si j'avais payé..
En poussant plus loin le raisonnement, faut il conclure que le service public, parce qu’il n’est pas facturé directement, n’est pas soumis aux critères de respect du client, tels qu’ils se sont développés dans le privé ces dernières années ?
A entendre certains qui présentent le service public comme une valeur inestimable à préserver (trop souvent à mon goût pour en réalité défendre leurs intérêts de fonctionnaire), on pourrait comprendre que les bénéficiaires devraient être trop heureux de se qu’on leur octroie pour avoir des exigences de clients. Mais mon petit incident de ce matin, évidemment sans aucune importance, montre aussi qu’à force de rencontrer un certain respect de la clientèle dans le privé, le consommateurs/ bénéficiaire s’y habitue au point de l’attendre partout.
Continuant l’élan de mes pensées, j’en suis arrivé à ce qui me semble la différence majeure entre le privé et le public. Le premier fait de nombreuses erreurs, peut être même beaucoup plus que le second, mais il les corrige assez rapidement (il n’a guère le choix sur ce point, c’est tôt ou tard une question de survie).
Les systèmes d’auto régulation du monde du public sont beaucoup moins efficaces, et beaucoup plus lents. Finalement, la question des retraites en est un exemple manifeste : un problème connu depuis plus de 20 ans, ayant fait l’objet de toutes les analyses possibles et imaginables, celui des conséquences des évolutions démographiques, n’est toujours pas réglé, et se traduit ces temps ci par des manifestations à répétition.
Les commentaires récents