Environnement grippé

            Avez-vous une personne de votre entourage qui a ét é touché par la pandémie de grippe A ? Oui, probablement mais pas forcément, contrairement à ce qu’affirmait à la radio une personne chargée de lutter contre la propagation du virus et qui expliquait l’intérêt du vaccin

            Pratiquement 2 millions de français ont déjà eu la grippe A, soit environ 1/32ème de la population de notre pays. Il est tentant de se dire que si on connaît au moins 32 personnes , il y en a au moins une qui a eu la grippe.

            Ce raisonnement intuitif est évidemment faux, puisqu’il suppose que les cas de grippe sont répartis de manière parfaitement homogène en fonction des entourages de chacun, ce qui est de toute manière impossible vu la répartition (et surtout le nombre !) des entourages de chacun.

                Il faut raisonner en statisticiens, en partant de la probabilité, non pas que telle personne ait eu la grippe, mais qu’elle ne l’ait pas eu. En effet, pour que nulle personne dans mon entourage n’ait eu la grippe, il faut que chacune se trouve dans le camp de ceux qui ne l’ont pas eu. En moyenne, 31 personnes sur 32 se trouvent dans ce camp.

            Donc si je prends tel voisin, il y a 31 probabilité sur 32 qu’il ne l’ait pas eu ; Si j’en prends 2, il y a 31/ 32 * 31/32 probabilités qu’aucun ne l’ait eu. Avec deux proches, il y a donc environ 94 % de chances qu’aucun n’ait eu la maladie et 6% qu’un l’ait eu.

                Avec 4 proches, les deux chiffres passent à 88 et 12, avec 8 à 18 et 22, avec 16 à 60 et 40, et enfin avec 32 à 36 et 64. Donc avec 32 proches, il y a 2 chances sur 3 qu’on connaisse une personne qui a eu la maladie. Si on passe à 64 proche, la probabilité qu’aucun n’ait eu la maladie passe à 13% puis à 2% pour 128 proches et enfin à 0.0003 pour 256 proches

                Encore faut il s’entendre sur l’expression « je connais une personne qui a eu la maladie ». Ma mère connaît des centaines de personnes, ne serait ce que dans sa famille. Elle en fréquente régulièrement très peu, et donc peut ne pas savoir que certaines de ces personnes ont eu la grippe. A contrario, elle peut entendre chez un commerçant une conversation à propos d’une personne qui l’a, mais qu’elle ne connaît pas !

             Or le sentiment que voulait mettre en valeur l’intervenant à la radio était celui de l’existence réelle de la maladie. Dans ce registre, le fait d’avoir entendu parler chez un commerçant une personne que je ne connais pas compte plus que la grippe de mon petit neveu dont je n’ai pas encore eu l’information.

                 Il y a cependant un biais dans les calculs faits ci dessus. Ils supposent que les deux variables « faire partie de mes connaissances » et « avoir eu la grippe » sont deux variables indépendantes. Or par la nature de la grippe, qui se propage par contagion de proximité, il est très possible d’avoir beaucoup de proches qui ont attrapé le virus, parce qu’ils se connaissent entre eux.

                Par exemple, un élève peut avoir eu 10 camarades de classe atteint, la moitié de sa colonie de vacances. Surtout si ce qui compte n’est pas celui que l’on connaît (le petit neveu à 500 km de là) mais celui que l’on fréquente (la dame devant moi chez le boucher).

                Toujours est il que ma femme et moi, en entendant la radio, nous sommes l’un et l’autre fait la réflexion que nous ne connaissions pas quelqu’un ayant eu la grippe.  J’ai précisé : il y en a eu dans ma boite, mais je ne sais pas qui c’est. J’avais doublement tort

             D’abord parce que j’ai croisé une collègue qui m’a rappelé qu’elle l’avait eu. Rappelé, parce qu’elle me l’avait déjà dit : je le savais donc. Ensuite parce que jeudi, une de mes collègues du même open space, située à deux mètres de moi, a été soudain prise d’un état fébrile, avec des courbatures. Elle est rentrée chez elle et je n’ai pas de nouvelles. Mais elle a eu le temps de me dire qu’une autre collègue située également dans le même open space à même distance, mais dans une autre direction était dans le même état. Ciel, je suis cerné !

             Heureusement, hier, ma deuxième collègue était bien là et en bonne santé, je suis sauvé ! Hasard ou pas, en discutant avec cette collègue, une troisième, dont la fille a un an et qui a reçu un bon de vaccination gratuite pour celle-ci, faisait la réflexion  qu’elle allait sans doute y aller…