Le
secrétaire d’état en charge de l’emploi, Laurent Wauquiez, a travaillé pendant
ses vacances : une instruction aux acteurs publics de l’emploi (préfets,
DDTEFP, ANPE…), diffusée cet été, est l’occasion de préciser l’attitude qu’ils
ont à prendre face aux restructurations. Celles-ci se multipliant en raison de
la conjoncture économique, il est intéressant d’analyser comment l’Etat veut se
positionner.
Le gouvernement de Lionel Jospin avait dans un premier temps compris que
les restructurations étaient un aspect normal de la vie économique et profité
de la bonne conjoncture pour les laisser faire. Mais on se souvient comment le
plan social de Lu avait donné lieu à une surenchère de l’extrême gauche avec le
slogan imbécile qu’une entreprise qui gagnait de l’argent ne devait pas
licencier (chacun sait qu’il vaut mieux être licencié avec des clopinettes par
une entreprise qui perd de l’argent). En fin de mandat et sous la pression du
PC, une loi dite de modernisation sociale a fortement durci les conditions de
licenciement. Le changement de gouvernement a heureusement permis de revoir une
législation irréaliste, mais on a gardé le doux nom de plan de sauvegarde de
l’emploi pour parler des licenciements collectifs !
Mais il n’y a pas que la loi et l’appareil de justice pour intervenir
dans les restructurations, et l’Etat français ne se prive pas de faire
intervenir ses services dans les démarches d’entreprise. Et on sait que de ce
point de vue la droite peut être aussi interventionniste que la gauche. Parmi
ces interventions, figurent notamment le suivi par les préfets des actions de
revitalisation de territoire (obligatoires pour les entreprises de plus de 1000
salariés) ou l’incitation par les directions du travail à lancer des démarches
GPEC.
Ce sont ces interventions des services de l’Etat que l’instruction
estivale de Laurent Wauquiez avait vocation d’orienter. Autant dire tout de
suite que je suis très heureusement surpris des orientations retenues, en
particulier 3 d’entre elles que je vais détailler ci-dessous.
L’Etat veut d’abord, et ce n’est pas une surprise, s’attaquer aux mesures d’âge. Les pré retraites, encouragées jusqu’à il y a peu, ne sont plus du tout favorisées, mais les entreprises ont pris l’habitude de favoriser dans leurs PSE ce que l’instruction qualifie de « retraites Unedic ». Les départs se font dans le cadre d’un plan de volontariat avec des indemnités à la clé. Les entreprises n’hésitent pas à aider les salariés ayant dépassé la cinquantaine à calculer le revenu qu’elles auront d’ici leur départ réel en retraite en additionnant les indemnités de chômage versées par l’UNEDIC et les indemnités de licenciement. L’instruction propose au contraire de redéployer les sommes consacrées au PSE pour aider les salariés de tous âges à se reclasser.
Un plan de volontariat favorable aux salariés de tous âges a un inconvénient immédiat pour l’entreprise : ce sont les salariés les plus mobiles, donc souvent les plus employables, qui s’en vont. Mais cette solution est plus satisfaisante pour la collectivité (elle n’a pas l’impact négatif des pré retraites sur le taux d’activité des seniors). Et elle est favorable à moyen terme pour les entreprises qui se trouvent de par leur secteur et leur marché sur une tendance à long terme de réduction d’emploi : en effet les départs à tous âges ouvrent des perspectives de promotion pour ceux qui restent. Et les taux de départs naturels restent normaux dans les années qui suivent : avec les pré retraites, on asséchait les taux de départs les années suivantes et on se condamnait à recommencer un PSE au bout de 2 ou 3 ans.
Deuxième recommandation concernant le montant des indemnités de licenciement. Au lieu de pousser les plus pingres (ou les plus pauvres) des entreprises à augmenter le montant de ces indemnités, il est demandé aux agents de l’Etat de veillez à ce que les revendications indemnitaires des salariés ne soient pas acceptées au détriment de la qualité des mesures de reclassement, qui doivent au contraire être d’autant plus de qualité que les indemnités sont fortes.
Troisième recommandations : le rôle des services de l’Etat n’est pas de se substituer aux acteurs sociaux et de s’immiscer dans la négociation de l’accord collectif (à l’exception des points précédents j’imagine) mais par contre de veiller à ce que les mesures formalisées dans cet accord soient réellement mises en œuvre.
En résume, les deux premières recommandations ont pour objet d’empêcher que les mesures prises se fassent au détriment de la collectivité (et de l’UNEDIC en particulier). Et la troisième contribue à renforcer les partenaires sociaux , en particulier les syndicats. Les interventions permanentes de l’Etat dans le domaine social ne peuvent à long terme qu’affaiblir le syndicalisme en s’y substituant. Des décennies de ce type d’intervention ont participé à l’affaiblissement constaté en France, avec un taux de syndicalisation d’environ 5% dans le privé. Depuis quelques années, l’Etat a changé ses pratiques dans ce domaine, et en particulier transformé en loi des accords interprofessionnels. Cette pratique continue voire se renforce depuis un an, tant mieux !
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